Première partie :
au septième ciel

     Ce dimanche matin au parc de la Tête d’Or se croisaient bien des visiteurs, prostituées, travestis, junkies, dealers, sportifs, promeneurs, lève-tôt, noctambules sur de retour… Parmi eux, pénétrait, par l’une des 7 entrées du parc, un homme en Nike, short échancré, chemise sport à col romain. Ce pouvait être un pasteur ou un curé en jogging avant son sermon, un fantaisiste  ou un anticlérical provocateur !

A l’heure décidée, ce même dimanche, le ciel s’ouvrit, il n’y eut pas de voix, pas de colombe, rien, sauf un ciel qui se déchire dans une blancheur exceptionnelle capable de faire sourire les roses. Alors d’une de ces roses rouges en forme de calice sortit une petite Coccinelle. Elle osait ses premiers pas sur cette terre en descendant la tige de fleur contournant les épines ! Elle percevait les premières odeurs de la terre contre laquelle on l’avait tellement mise en garde. Ce matin, la vie lui apparaissait douce et agréable ! Mais la première surprise ne tardera pas !

Là-bas, au cœur de la ville, la sacristine avait mis la cafetière en marche ! Le pot de Nutella attendait débouché, les cinq pains aux raisins et les deux croissants en forme de poisson trônaient sur une assiette, recouverts d’une serviette blanche frappée au signe des JMJ.  Et l’eau de la douche avait été réglée à la bonne température que l’abbé avait définitivement choisie: 33°, un degré par année de vie de Jésus ! Le clergyman frais repassé attendait sur le cintre, ainsi qu’un boxer: Hom Shorty HO1,  propre mais noir, orné sur le devant de la ceinture du logo blanc immaculé « Eminence » !

Le confessionnal avait été dépoussiéré, comme chaque fin de semaine… bref tout était prêt pour le retour du curé de fond !

Au zénith, les saints s’afféraient devant la technologie avancée de la station aux grandes oreilles. Les émissions avaient commencé dès la mise en service du dispositif installé sur la Coccinelle. Le labo analysait et décryptait sons, images, mouvements et même les odeurs ! Ces milliers de signes étaient aussitôt traités par le calculateur céleste. Dieu était informé heure par heure.

Pour la Coccinelle la surprise vint d’une nouvelle odeur plus forte. Que dis-je, d’une odeur agressive, âcre, d’encens froid mêlé de transpiration… Bref une quintessence de sueur piquante, âpre, irritante. L’homme qui courait dans le parc marqua le pas. Il cueillit la rose où la coccinelle avait élu domicile. Il la glissa dans la poche de sa chemise. Aussitôt il repartit en trottinant. Elle se sentait voyager.

La Coccinelle s’installa alors au fond de la fleur, mais sa fragrance lui monta à la tête. Elle décida alors de partir à la découverte de l’athlète en sueur qui l’emmène quelque part  à un bon rythme. Elle eut quelques difficultés, non seulement son véhicule la ballottait mais elle patinait sur le sol, humide ou franchement ruisselant d’une eau salée qui lui fit penser à la mer Morte dont Jésus lui avait tant parlée. Ouf  -se dit-elle- au moins là, je ne peux pas me noyer ! Elle finit au terme de son effort par trouver refuge dans une petite excavation. Son GPS lui indiquait le point 1,618, le point « Phi » du corps de l’athlète,  l’ombilic. 


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Commencé son voyage au creux du nombril, quelle belle symbolique, sourit-elle ! Elle pensa plus gravement que cette niche n’était en définitive que la cicatrice indélébile de la séparation qui hante toute naissance et toute création, autant de raisons pour que ce point d’équilibre soit frappé du nombre d’or ! 

Enfin bien calée pour la suite du voyage elle pensa alors au corps sublime de la Sulamite que son bien aimé contemplait dans le Cantique des Cantiques.

« Ton nombril est une coupe arrondie, où le vin aromatique ne manque pas ; ton ventre, un tas de froment, entouré de lys. »

Le pas du coureur s’était modifié. Des portes s’étaient ouvertes et fermées. Un petit signal, que seul la Coccinelle pouvait recevoir, lui demandait ce qui se passait.

« Je suis comme dans une grotte ! Je m’avance sur son seuil, il y a un déluge, mais Dieu n’est pas présent… J’attends l’accalmie.. L’eau s’est arrêtée de couler. Il a du finir de prendre sa douche. Je vais pouvoir poursuivre ma progression mais il y a des grands coups de vents, Dieu n’est toujours pas présent. Ah ! Le calme revient. Il y a une brise légère et j’entends l’homme qui chante comme une litanie « Que vive mon âme à te louer »…