Première partie :
au septième ciel

         Comme cela Lui arrivait souvent Dieu regardait la terre depuis son bureau heptagonale, il contemplait un infini espace aux milles et une nitescences… Au départ cela l’amusait, Il croyait même y voir l’aboutissement de la parole de son fils : « Vous êtes la lumière du monde ! »

Ces lueurs toutes blanches se détachaient sur un fond le plus souvent noir. Vu de la terre il s’agissait en fait d’un leurre : une petite carte plastifiée lisse, brillante qui enserrait et préservait le cou de certains hommes, au risque de les étouffer !  Bien sûr tous ces petits « carrés blancs » ne leurraient pas Dieu. Il savait malheureusement qu’ils masquaient autant d’obligations ou d’interdits et donnaient un air trop coincé à ceux qui le portaient !

Il se souvint qu’Il avait inspiré au Concile Vatican II le chamboulement des us et coutumes de son personnel ecclésiastique qui avait fini par ressembler davantage à des hommes. En abandonnant ce joint de culasse blanc plastifié leurs robes tombèrent. Les cols se multiplièrent, roulés, en V, raz le cou, avec cravates ou sans cravates laissant largement ouverts jusqu’à distingués quelques signes de virilité… Quelle métamorphose !

 Seulement voilà, depuis un des judas célestes Dieu se rendit compte de la  recrudescence de ces petits carrés ! Cela le plongea dans une contrariété  certaine. « Pourquoi avec les hommes faut-il toujours s’y prendre à deux fois, grommela-t-il ? »

 Spontanément Il pensa à un Concile Vatican III pour rejouer l’opération «  sans carte. » Mais voilà, Dieu ne refait jamais deux fois la même chose ! Et d’ailleurs les petits carrés blancs ont trop proliféré, comme de la mauvaise herbe que l’on croit avoir enlevée et qui repousse de plus belle ! .

 « Ces jeunes ecclésiastiques ont vraiment le diable au corps - ironisait Dieu! »
Ceux qui auraient à décider d’un concile tenaient trop à cette anomalie vestimentaire. Ils s’empresseraient de défaire ce que leurs prédécesseurs ont fait, une spécialité dans l’Église! Certains exercent même une pression pour que les jeunes séminaristes s’insèrent la gorge dans ce carcan, comme des Africaines à qui on  étire le cou avec des anneaux au nom du respect de leur culture et de leurs traditions, évidemment ! Donc pour une telle  réforme inutile de compter sur eux ! 

 Dieu appela son fils …

-         Dis fiston, c’est toi qui leur as dit de se déguiser comme cela ?   

-         Ben non, pâ … Tu sais bien, cela leur a pris sur le tard, Pierre lui-même était à poil dans sa barque de pêcheur ! 

-         Oui c’est vrai, c’est bien comme cela, nus et pécheurs que je les ai créés!

-         Et moi appelés, rétorqua le fils! Mais c’est fou ce qu’ils aiment se compliquer la vie ! Tu leur donnes une forêt aux essences diverses, avec des arbres grands et beaux comme le Cèdre du Liban et les voilà qui se déchaînent; ils anéantissent le Liban et  rasent les Cèdres pour en faire des croix! J’en connais un rayon ! D’autres les torturent pour en faire des bonzaïs. Tu leur donnes la diversité ils s’empressent de cloner pour reproduire à l’identique. Tu leur donnes une vache il la rende folle ! 

 

Dieu respirait profondément. Son menton imberbe reposait sur ses mains. Ses doigts barraient ses lèvres… Aucun mot n’échappait. Le Fils insista :

 

-         « Et alors, Pâ… tu vas faire quoi ? »

-         « Là je suis comme un père qui regarde ses enfants sans les comprendre ! Ces carrés blancs interdisent toute vision et je voudrais savoir ce qu’ils ont dans le cœur et dans la tête ! Pour cela il va falloir créer une mission et envoyer quelqu’un sur la terre. »

-         Je peux y retourner s’il le faut.. Ils chantent presque tous « Il reviendra,  nous t’attendons. » Tu verras leur tête quand je referai mon apparition !

 

-         Bah, ils le disent mais si cela arrivait, ils n’y croiraient même pas ! Et puis tu ne peux pas ressusciter deux fois ! Sans compter que ta mère n’apprécie que modérément le côté apparition et Vierge Pèlerine !

 

Ne pas quitter la maison céleste lui était plutôt agréable ! En bon fils attentif aux affaires de son Père, il s’inquiéta de savoir qui pourrait accomplir cette mission ! Son Père se souvint d’une histoire entendue de la part d’un saint qui fait maintenant partie de la Maison… Il dit à son fils ;

 

-         Tu n’as pas l’impression que les humains ressemblent aux apodes, genre albatros patauds, grosses têtes, grandes gueules, larges ailes, aux pieds fragiles. Quand il leur arrive de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre, ils s’attachent aux créatures et s’enlisent…Appelle-moi François ! Il en connaît un rayon sur les apodes ! 

-         François ? Lequel ?

-         Bah, les deux! Ils devraient se compléter…  

Comme si le paradis n’était habité que par deux François ! Il y en a une bonne dizaine et il y en a encore en préparation sur la Mauvaise Terre. Ils prennent leur envol !

Il ne fallut pas de longs conciliabules pour que la Société céleste François Noé mette au point une stratégie osée. Marc, un des 4 attachés de presse se rendit au JT de 15h pour présenter la mission « Scarabée de Marie. »

Il s’agira de miniaturiser une coccinelle carénée rouge à 7 points noirs et de l’envoyer sur terre pour observer ce qui se passe au plus près dans l’Église … en effet les communiqués officiels de radio Vatican, les déclarations des prélats empourprés, n’offrent guère de crédibilité !   

Cette petite « bête à Bon Dieu » n’est armée que de 7 tâches noires inoffensives –véritable signature divine- qui recèleront une électronique sophistiquée d’interception et de retransmission de sons et d’images. Si d’aventure elle devait être démasquée qui pourrait soupçonner ce porte-bonheur, tout rond et sans venin ? Par contre les techniciens célestes comptent bien sur son côté fauve et prédateur de parasites pour une récolte optimale d’informations ! Toute la question restait de savoir où la petite coccinelle allait être introduite sur terre et comment.

 Evidemment les USA, déterminés sur l’axe du bien et du mal, semblaient un territoire favorable. De plus, son président ne parle-t-il pas toujours au nom de Dieu ! Mais pollution et produits phytosanitaires hostiles aux coccinelles semblaient dissuasifs !

L’Angleterre ? Oui ! Spécialiste de la lutte antiterroriste elle mettrait sa science au service de l’éradication des clergymen. Seulement voilà, les anglais n’aiment que les Coccinelles noires à points rouges, volant à gauche ! Et Dieu ne semblait pas enclin à créer un nouveau modèle, pour les beaux yeux de la reine !

Bref… il restait la France, fille aînée de l’Église et douée de savoir-faire en matière de signes religieux ostentatoires. Lyon, son parc et sa Roseraie sourira aux organisateurs ! Chacun sait que la rose est un véritable hymne à la beauté en même temps qu’une authentique déclaration d’Amour. Des roses ne fleurirent-elles pas du sang d'Adonis tandis que ce dieu jeune et beau agonisait suite à la charge du noir sanglier !

Mais ce sont deux autres raisons qui emportèrent définitivement la décision. Les concepteurs connaissaient le côté traditionnel et rural des français qui ont des maternités ultra modernes mais qui aiment voir les bébés naître dans un chou ou être déposés par une cigogne… Alors pourquoi ne pas transporter une Coccinelle au cœur d’une rose ! Et puis le choix de la rose, symbole Christique et Marial, irait droit au cœur de Dieu. Ce sera un peu comme si la Coccinelle était portée sur terre par Marie ! La Mission Scarabée de Marie est prête !