Mériadec

... Conte  
J'ai vu un pays au bord de la mer..
Les gens de la côte avaient  des habits couleur de sel.
Le soleil avait juste imprimé ses couleurs
rouge et jaune,  vert et bleu, 
sur les franges des habits 
comme pour mieux souligner 
la blancheur de leurs vêtements, 
que le sel ne viendra jamais entacher.

Les gens de l'intérieur étaient couleur de terres
une de ces terres brunes, qui sans cesse 
doit être tournée et retournée 
pour que les fruits et les fleurs colorées, 
parviennent un jour à l'égayer.

Entre les gens de la côte et ceux de l'intérieur une route : 
droite, unique sur laquelle 
sans cesse se croisent le sombre pain de blé noir des paysans 
et la fleur blanche de sel des paludiers.

Le pain sur la table rouge feu des gens de la côte 
ne passait pas inaperçu 
lorsqu'il s'émiettait sur la tunique blanche des enfants.
Ce pain noir des jours  sans fin des paysans 
nourrissait la famille réunie 
et devenait  pain de fête dans lequel 
se mélangeaient et s'alliaient si bien 
le goût de la terre et la saveur du la mer.

Pourtant ceux de la terre 
et ceux de la mer ne s'aimaient guère ! 
Comme c'est si souvent le cas entre voisins. 
Oh ce n'était pas la guerre. ... plutôt l'ignorance ... 
c'est parfois pire.

Ce soir là, la tempête au large soufflait avec rage, 
et il serait difficile à Mériadec de rentrer sur la côte 
après avoir livré son dernier sac de sel. 
A peine arrivé devant la porte du vieux moulin
la lourde porte s'entrouvrit. 
En hâte, sur le pas de la cuisine 
le sel passa d'une main à l'autre.
Puis la porte s'ouvrit plus grande...
"Il se fait tard, le jour baisse, la tempête gronde
entrez donc, vous passerez la nuit ici."

Mériadec n'en croyait pas ses oreilles. 
Machinalement sans réfléchir ... il entra.

Après avoir mangé une bonne soupe fumante 
et partagé une même miche  de pain 
toute la famille se retrouva autour du feu ,
devant la cheminée. 
Les voix, tantôt graves, tantôt hésitantes
se mêlaient aux éclats de rire 
et aux crépitements du feu,  
égrenant mille histoires jamais partagées.
 
Ce soir-là le sel venait vraiment de rentrer 
dans la vie de Mériadec et de cette famille de la terre.
Depuis longtemps 
ils connaissaient le  goût du sel dans le pain.
Ce soir-là ils découvraient 
pour la première fois
que la parole partagée, échangée 
avait elle aussi le meilleur goût :
celui du sel, 
et la meilleurs odeur :
celle du pain.
© copyright  texte :  - décembre 1999 .