Paroles de Parrain
Jean Yves Loude notre parrain n'a pas pu venir à la soirée d'envoi... N'empêche qu'il a été présent par la force des mots ... Les voici !
Vous avez mon bonjour !

 La seule façon de voyager...

Être civilisés, c'est être capables de....

... des actions d'intérêts réciproques

J'apprécie la  démarche très juste qui consiste à aller vers l'autre dans le seul but d'échanger des opinions, des avis, des parts de cultures


S'asseoir ensemble ne cultive pas le champ, mais résout les problèmes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Tous les parrains !

Beaujeu, le 21 juin 2001, jour de l'été et de la musique,

Vous avez mon bonjour !
Comment va votre soir ? Et votre santé ? Comment vont les membres du groupe ?

Je vous souhaite la paix seulement.

La seule façon de voyager, c'est de marcher vers l'humain, vers l'autre. Aller à sa rencontre dans l'intention pure et simple d'échanger avec lui et de revenir chez soi grandi, nourri de valeurs insoupçonnées avant le départ. Peut-être est-ce là que réside la véritable notion de progrès. La raison et la capacité scientifique de l'Occident ont sans nul doute fait reculer l'ignorance et la souffrance physique, ont conquis des espaces infiniment grands et petits, mais avec un tel esprit de domination sur la nature et les hommes qu'on peut encore difficilement admettre l'avènement de l'état de civilisation.
Être civilisés, c'est être capables de reconnaître l'autre, d'apprécier sa différence, de la respecter, de s'y intéresser, d'y goûter, de la comprendre, c'est-à-dire de la prendre avec soi pour mieux s'édifier. Nous en sommes malheureusement encore loin. 
Être civilisés, pour les Occidentaux que nous sommes, ce serait commencer à admettre la nature barbare des relations que nos pays du Nord, que nos ancêtres conquérants, ont imposé au continent africain durant cinq siècles. C'est considérer que notre monde de confort et notre définition du bien-être se sont construits sur l'exploitation de la force humaine des Noirs, sur le pillage de la vitalité africaine, de ses richesses sur et sous terre. C'est prendre conscience que, l'esclavage aboli, le colonialisme soi-disant révolu, l'attitude du Nord vis-à-vis du Sud n'a pas changé. Ou si peu. 
Être civilisés, c'est rester éveillés tout en rêvant d'un changement profond. Les termes d'un échange économique égalitaire n'ont jamais été mis en place depuis les trompeuses indépendances, et il n'est toujours pas envisagé qu'ils le soient. N'élisons-nous pas des dirigeants pour qu'ils aient le sens des réalités et nous garantissent nos pouvoirs d'achats et nos droits à l'avoir ? Peu importe si nos droits étouffent nos devoirs, épuisent les ressources de la terre et condamnent une partie de plus en plus majeure de l'humanité à regarder le bal des minorités nanties depuis le seuil de pauvreté.

Quant au bon commerce des cultures, il ne fait que débuter. Mais là réside l'espoir. Il y a en effet belle lurette que nous autres, individus, citoyens-grains de sable, avons perdu l'espoir en un dialogue nord-sud officiel,  orchestré depuis les sommets des pyramides. Il y a donc quelques décennies déjà que certains citoyens-grains de sable ont résolu de l'établir coûte que coûte, par eux-mêmes, ce dialogue entre la latitude des mangues et celle de la vigne, celles de l'oralité et de l'écrit, du sapin et du baobab, des neiges et de la latérite, des Blancs et des Noirs. Comme vous, ils y travaillent, régulièrement à travers des actions d'intérêts réciproques. Le voyage que vous prévoyez va dans ce sens.
Longtemps, si longtemps, l'Afrique n'a représenté qu'une terre trop riche pour être abandonnée à des habitants incultes, nés dans l'erreur païenne, incapables voire indignes de bénéficier des trésors de cette terre-mère prodigue. Combien de discours ont été inventés, forgés au Nord, pour justifier une mainmise expansionniste sur des territoires convoités, en niant résolument l'évolution d'esprits africains soi-disant étouffés par une peau noire, opaque et maudite depuis Caïn ?
Les esprits européens, "aérés" par une peau blanche, ont accepté de
couvrir leur entendement sous des pagnes accumulés de mensonges ; il a fallu pour cela dogmatiser le racisme, l'ériger en principe, et ignorer, étouffer, ternir la valeur brillante des diverses cultures africaines, les bouter hors du patrimoine de l'humanité. Tout cet héritage de pensées frauduleuses, germées au XIXe  siècle, reste ancré dans les mentalités, court toujours d'une façon ou d'une autre les rues ou plutôt les caniveaux du Nord.
Pour réduire ce fardeau, nous devons patiemment, opiniâtrement, développer une pédagogie amoureuse, une attention généreuse de tous les instants. Notre avenir d'humains en dépend. Le voyage que vous entreprenez au Bénin répond précisément à ce souci d'engagement, d'implication, d'exigence urgente.

 J'apprécie la démarche très juste qui consiste à aller vers l'autre dans le seul but d'échanger des opinions, des avis, des parts de cultures. Pour une fois, il n'est pas question d'apporter une aide à l'Afrique, toute généreuse soit elle, mais d'écouter l'Afrique. Admettre qu'on a besoin d'elle. S'asseoir à sa table ou autour de ses plats, y puiser avec gourmandise un savoir, des sensations, des émotions. Il est essentiel d'approcher l'Afrique, d'admirer sa résistance face aux épreuves de l'Histoire, de mesurer sa riposte patiente au jeu imposé par l'empire de la technologie frénétique et du profit, tout en gardant bien sûr en alerte son sens critique ; l'Afrique aussi a ses déviances.

Au Burkina Faso, un homme de la parole me disait : "S'asseoir ensemble ne cultive pas le champ, mais résout les problèmes. La concertation et l'échange sont les fondements du développement et du progrès. Les palabres ne sont pas des pertes de temps ou des obstacles au travail, mais du temps investi pour mieux asseoir l'action".

 L'avenir appartient à ceux qui, comme vous, entreprenez un long voyage pour acquérir de l'expérience et confirmer à l'Autre l'importance de son Histoire. Et au Bénin, vous ne pouvez pas être déçus. Cette terre a nourri des grands royaumes, des monarques illustres, des urbanistes, des architectes, des bronziers, des potiers, des artisans d'une rare finesse ; c'est le berceau du Vaudou, une expression singulière de communication avec le monde surnaturel, l'inconscient, ce qui nous dépasse...

Devenez de grands hommes, partez au Sud parler du Nord, courez au Sud écouter le Sud, puis revenez chez vous sur la terre de vos ancêtres partager votre savoir. La vraie richesse, c'est celle qui restera dans vos cœurs quand vous aurez donné aux autres le meilleur de vous mêmes.

 Jean-Yves Loude

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