... du voyage
Du
19 au 10 août 2001
1- 19 juillet 2001, jour J ! Le jour du départ est enfin arrivé, moment d’excitation mêlé à un petit peu d’anxiété : et oui, nous y sommes, il ne s’agit plus de le penser ce voyage, il faut maintenant le vivre : et comme un ami nous à dit avant le départ: «d’ici, on croit voir beaucoup mais on ne comprend pas… alors partez, découvrez, échangez, puis rentrez, racontez et n’oubliez surtout pas « . après un long vol (long surtout par l’impatience du groupe à arriver sur la terre rouge d’Afrique ) au-dessus de la mer et ensuite au-dessus de l’immensité du Sahara, nous sommes enfin arrivés à Cotonou à 18h00, la nuit tombe très vite, nous sommes tous un peu étourdis, soulagés et près pour une longue aventure …
2. 20 juillet 2001, levé à 7h30 et oui, on a décidé d’en profiter au maximum de ce voyage, aujourd’hui c’est direction Parakou: le train s’ébranle pour 10 h de danse à travers les paysages. La vitesse de celui-ci nous permet de profiter largement du tableau qui s’offre à nous : après les bidonvilles de Cotonou, où la pauvreté est très impressionnante, nous avons parcouru plein de petits villages qui vivent totalement en autarcie et dont seul le train les rattache aux villes. Assis sur les marches du train, nous avons regardé défilés des visages surpris de nous voir, nous Européens et aussi surpris par nos sourires, par la joie qu’ils nous procurent: "ils" se sont surtout les enfants, tous ces petits êtres dont les visages s’illuminent à notre passage, leur accueil très chaleureux nous fit très plaisir. A chaque arrêt, les voyageurs font leur marché, pour la premières fois nous pouvons déguster les spécialités béninoises: arachides, maïs grillé, ananas et les fameuses Béninoises (ce sont des Bières), nous avons aussi appris durant ce long trajet (400km) nos premiers mots en dialecte FON.
3. 21 juillet 2001, Parakou, nous sommes un peu perdus ; des taxis (très calmes par rapport au désordre de la ville), nous emmènent au Centre Guy Riobé, nous sommes pour l’instant seuls au centre, à part quelques cafards et quelques araignées!!! Nous avons passé une matinée détente, c’est le temps de l’immersion: premier jour à Parakou, premiers échanges riches ( nous avons ce samedi-là rencontré des jeunes qui s’occupent du mouvement d’action catholique, ils apprennent le catéchisme aux jeunes enfants en animant des petits débats de façon très ludique.). Quelques ventres gargouillent, y’a de la fatigue, il faut s’acclimater … alors direction le centre-ville pour choisir la couleur que l’on aura envie de porter en forme de boubous: une sortie de taille ! on découvre les sensations du Zémidjan (mobylette taxi, qui pour 100 CFA nous emmène en ville).
4. 22 au 25 juillet 2001, un lever à l’Africaine, au chant du Muezzin, après la messe de 9h00, au fil de la journée, départs vers les différentes « missions de brousse » (Fo-Bouré, Bembéréké, Péréré, Durubé…) qui nous attendent pour une immersion :l’acclimatation se fait : découvertes, surprises, questionnements, et toujours les sourires de tous ces enfants, curieux, parfois étonnés ou apeurés devant la pâleur et la grandeur de certains ! Et bien sûr sœur turista n’est pas très loin. Tout le monde a vécu pendant ce petit périple une expérience très enrichissante, la pluie, qui avait pourtant marqué notre arrivée, n’est pas suffisante pour que la terre puisse donner une bonne récolte. Nous nous sommes tous retrouvons mercredi pour une soirée « griot « pour que tout le groupe puisse faire part de ce qu’il a ressenti et vécu pendant ces 3 jours : Qu’un regret : ne pas avoir davantage prolongé le séjour dans tous ces villages. Pour la plupart, les mots manquent pour décrire les émotions, les sentiments sont retenus secrètement au fond des yeux de chacun.
5. 26 juillet 2001, retour à Parakou, ville de 120 000 habitants, étendue, sillonnée par les zémidjans, on se fraie un chemin, 16 Batoulés ne passent évidemment pas inaperçus. A la croisée des regards, les mains des enfants se lèvent toujours avec la même spontanéité pour saluer l’étranger, les « bonne arrivée, bonne sieste, bon voyage, et bon travail (quand il s’agit de faire un peu de ménage) « rappellent le bonheur à chaque instant du jour, mais la pluie est toujours attachée et ne tombe pas… ce n’est pas du bonheur pour la fin de la prochaine saison sèche. Nous visitons aussi l’hôpital de Boko ! L’impression est très forte, nous mesurons d’une manière forte les différences entre Nord et Sud.
6. 27 juillet 2001, pendant les jours suivants, nous avons centré nos découvertes autour des activités du BIBD (bureau inter-diocèsain du Borgou pour le développement) les principaux thèmes abordés sont la section hydraulique ( une rencontre très intéressante sur l’explication du fonctionnement de Caritas Hydro qui nous permet de prendre toute la dimension de l’importance de l’eau ainsi que du travail réalisé par les animateurs : visite d’un village où un puit est réalisé et découverte d’un barrage, d’une retenue d’eau qui permet d’avoir des cultures toute l’année), la visite des prisonniers, la santé, une meilleure condition pour la Femme, le centre de formation de Sokounon, un atelier audiovisuel Une série de services qui sont là pour que se développe chacun, pour que chacun puisse participer à sa guérison, à la construction de son village, à sa croissance. Ce vendredi-là, nous avons aussi rencontré le roi de Parakou, ce fut une entrevue brève mais très captivante par son côté cérémonial.
7. 28 juillet 2001, un enfant, un sourire, un tam-tam, un jeu, un temps que nous prenions pour jouer, pour échanger avec tous ces enfants. Somon Biru, un lieu, des personnes , des enfants. Le temps de l’approche se fait sur la pointe des pieds et à tâtons. Mais tout à coup: François, Prosper, Jérôme et les autres attrapent leurs djembés, nous délivrent des notes et se mettent à chanter. Et là, les liens se tissent, les mains s’entrechoquent pour donner un rythme à la danse qu’entame nos amis. Enfin, les premiers jeux et très vite les présentations : un petit tour de cercle et nous voilà tous connu de chacun. A ce moment-là les relations se sont liées et chacun a trouvé son homonyme à son caractère. Un temps de partage très intense vient de s’écouler, beaucoup d’émotions à travers tous cela. Quelques larmes versées pour certains lors de la séparation
8. 29 juillet 2001, aujourd’hui, c’est dimanche, nous partons à la rencontre d’un groupe de jeunes (Okédama), nous allons passer toute la journée avec eux, c’est épatant comme on peut se sentir bien avec les gens d’ici, ils dégagent une chaleur humaine indescriptible, ils nous écoutent, on les questionne, ils sont curieux de notre vie en France et inversement, ils a suffit de partager un repas, quelques danses, des échanges très riches, et de nombreux sourires pour qu’une véritable amitié se soit développée entre Rolande, Ambroise, Sébastien, Alain et notre groupe. Aujourd’hui encore cette complicité, entre ces deux peuples si différents mais réunis à présent par les mêmes souvenirs, continue de s’étendre à travers les correspondances.
9. 30 juillet 2001, nous sommes maintenant à plus de la moitié de notre séjour, le temps est notre ennemi, il passe à une vitesse déroutante, nos idées toutes faites sur la vie sont en train de s’effondrer et comme disait notre ami Bernard « Quel dépaysement, quel changement radical ! Un de ses chocs qui vous révèle tout d’un coup l’essentiel, ce vers quoi vous voulez diriger votre vie toute entière « . Nous avons tellement gardé des bons souvenirs avec les enfants de l’orphelinat de Somon Biru que nous avons décidé de retourner les voir pour une nouvelle après-midi de pur Bonheur.
10. 31 juillet 2001, ce mardi fut plutôt calme, nous sommes partis ce matin visiter l’ORTB, une radio locale, nous avons été comme toujours très bien accueillis, ils ont tous pris le temps de nous recevoir, de nous montrer les studios d’enregistrements, de nous expliquer la diffusion des émissions par les ondes. Nous avons ensuite préparé une fête pour remercier toutes les personnes qui nous ont aidés, accueillis ou guidés sur place. Ce moment de détente a été organisé au centre, nous avions aussi prévu des sketchs qui ont été bien apprécier par nos chers invités, on y décrivait différentes anecdotes sur notre expédition.
11. 1 août 2001, journée de l’indépendance du Bénin. C’est la fête à Parakou, les gens sont nombreux, dans la rue pour venir admirer le défilé. Il est très curieux pour nous d’assister à cette commémoration de la libération du Bénin. Ce fut une journée détente, chacun pouvait se promener (pour une fois sous la pluie) et manger avec qui et où, il voulait : certains décidèrent d’aller au marché, d’autres en profitèrent pour se reposer, et d’autres encore mangèrent chez des amis béninois qui les ont accueillis à bras ouverts. Le soir même nous avons reçu le groupe d’Okédama pour une soirée dansante très agréable.
12. 2 août 2001, dernier jour à Parakou, journée des adieux, on n’ose dire et croire : « à bientôt « , tout le monde s’affèrent, il faut réunir tous les souvenirs, prendre toutes les adresses, écouter les dernières recommandations et remercier nos amis, nous passons le reste de notre après-midi dans un monastère isolé pour faire le point, pour se repasser dans notre tête nos meilleurs souvenirs ceux qui resteront à jamais dans nos cœurs. Quelques heures de méditation pour essayer d’arrêter le temps ou tout du moins pour se dire que si hier est histoire et demain est mystère, aujourd’hui est un cadeau, (c’est pourquoi, on appelle aujourd’hui présent). Il faut profiter à fond de ces instants gratifiés dans la vie, ils sont uniques.
13. 03 août 2001, départ en taxis (2 taxis pour 16 ) à 7h00 de Parakou en destination de Cotonou en passant par Abomey où l’on fit escale à midi pour manger et visiter la « cité des rois « .
14. 04 août 2001, certains ont eu le privilège d’aller se faire interviewer en direct sur une chaîne nationale de la télévision béninoise dans un journal de Sport, il paraît que ce fut une expérience très plaisante, les autres en attendant se sont fait tresser les cheveux ou ont appris à jouer à l’Awalé avec nos chers chauffeurs (Amidou et Aziz) qui nous ont accompagnés durant la dernière semaine. Nous avons ensuite cheminé jusqu’à Porto-Novo, la capitale du Bénin, où nous avons visité Songhaï, une ferme expérimentale qui permet de former des agriculteurs, ils essayent d’évaluer si les projets sont ensuite réalisables à l’échelle du village, ils tentent d’apprendre aux jeunes des méthodes pour qu’ils aient le moins besoin de l’extérieur, pour qu’ils fonctionnent le plus possible en circuit fermé.
15. Dimanche 5 août 2001, aujourd’hui nous préparons notre retour, c’est à dire la façon dont on va présenter notre voyage lorsque l’on rentrera en France, le cœur n’y est pas, nous préférons profiter de notre fin de séjour plutôt que de penser à notre réapparition en France. Nous partons donc pour Ganvié, un village sur pilotis (très touristique) que nous avons atteint en pirogue puis nous continuons notre flot jusqu’à So-tchanhoué un village beaucoup plus agréable, on a découvert ici la maison des jeunes : « L’aurore « , un hôpital, nous avons aussi aperçu un centre où des femmes qui avaient refusé le mariage forcé étaient rassemblées. Très bonne journée ! ! !
16. Lundi 6 août 2001, Adjarra, ville des tam-tams, ville aux étincelantes couleurs de la musique : djembés, cloches fameux instruments qui rythment leur existence. Ils ont mis de la musique dans nos cœurs pour faire danser nos vies : merci aux meilleurs professeurs de la terre : Merci les enfants.
17. Mardi 7 août 2001, la journée la plus émouvante de notre voyage et peut-être même de notre existence : direction Ouidah. Nous avons commencé la journée avec une petite séquence frisson: en effet, nous sommes rentrés dans le temple des pythons, c’était pour certains: terrible ou horrible, pour d’autres: terrifiants et pour le reste, c’était amusant quoiqu’un peu visqueux ! ! ! Nous avons poursuivi en découvrant le musée des esclaves, il nous témoigne une fois de plus de la cruauté de nos ancêtres sur le peuple africain, et pour finir, nous sommes aller méditer devant la porte du non retour, lieu, où les esclaves passaient enchaînés les uns aux autres pour embarquer dans des bateaux, d’où ils ne reviendront jamais. Là-bas, nous avons écrit des textes, tous plus magnifiques les uns que les autres, mais celui que j’ai choisi, pour vous illustrer les sentiments « bouillonnants « qui nous envahissaient en ce lieu, a été écrit, il y a trois ans pour un camp hors frontières précédent :
La terre est rouge, rouge du sang versé :
Personne Seuls parfois
quelques pêcheurs osent braver le silence des lieux.
Ici la terre et la mer se rejoignent, mais pourtant elles s’opposent, marquent
une séparation terrible. La terre est rouge, rouge du sang
versé par ses fils qu’on lui a arrachés, rouge de la tristesse de
les voir partir et rouge de honte, peut-être, de les avoir abandonnés
entre les mains des blancs démons. La mer, elle paraît
si cruelle : elle menait les négriers jusque sur ses côtes et les
laissait repartir, remplis du « bois d’ébène » qu’ils
emportaient vers un destin inhumain, engloutissant au passage tant d’esclaves
qui tentaient d’échapper à leur sort.
Silence… Non ! Le vent est là, comme une parole qui porte la mémoire de ces milliers d’hommes et de femmes parfois même d’enfants, dont on a violé l’âme en les privant de leur liberté, de leur dignité, de leur humanité. Ce vent semble venir du nouveau continent : destination de l’enfer, et pousse les vagues qui viennent s’écraser à grands fracas sur les rivages de la douleur de tout un peuple. Clapotis toujours présents 150 ans plus tard.
Et nous, français, ahuris devant tant d’inhumanité nous ne pouvons que nous taire, incapables de dire quoi que ce soit. En trois semaines, nous avons découvert un peu mieux les blessures laissées par nos ancêtres: esclavage et colonisation… En ces temps terribles, tous les regards de nos frères béninois semblent peser sur nous :
Comment ne pas être envahis inconsciemment par un sentiment de culpabilité? Je ne suis pas responsable des actes de mes ancêtres !? Peut-être bien que si … Christophe, CHF 98
18. Mercredi 8 août 2001, Nous allons visiter avec nos deux
chauffeurs la superbe mosquée de Cotonou pour essayer d’oublier que c’est
notre dernier jour au Bénin, on termine aussi les dernières lettres, on achète
le journal, on mange toutes les spécialités (bananes plantins, agoutis, fizzis
) en espérant capturer leur goût à jamais, on essaie de se convaincre que
toutes bonnes choses a une fin, que si on part aujourd’hui, c’est pour mieux
revenir demain.
Si seulement ça pouvait
être vrai …
Nadège CHAMBE
Pour le
camp hors frontière, Bénin 2001